
I – C’EST QUOI LA DÉNONCIATION CALOMNIEUSE ?
La dénonciation calomnieuse est un délit prévu et réprimé par l’article 226-10 du Code pénal.
Ce texte prévoit ainsi que “la dénonciation, effectuée par tout moyen et dirigée contre une personne déterminée, d’un fait qui est de nature à entraîner des sanctions judiciaires, administratives ou disciplinaires et que l’on sait totalement ou partiellement inexact, lorsqu’elle est adressée soit à un officier de justice ou de police administrative ou judiciaire, soit à une autorité ayant le pouvoir d’y donner suite ou de saisir l’autorité compétente, soit aux supérieurs hiérarchiques ou à l’employeur de la personne dénoncée est punie de cinq ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende“.
1.1. Les éléments constitutifs du délit de dénonciation calomnieuse
Pour être constitué le délit de dénonciation calomnieuse nécessite un certain nombre d’éléments :
- la dénonciation doit être dirigée contre une personne déterminée ;
- le fait dénoncé doit être de nature à entrainer des sanctions à l’encontre de la personne dénoncée. Il peut s’agir de sanctions judiciaires, administratives ou disciplinaires ;
- l’auteur de la dénonciation doit savoir que le fait dénoncé est totalement ou partiellement inexact ;
- le destinataire de la dénonciation doit être un officier de justice ou de police administrative ou judiciaire, une autorité ayant le pouvoir d’y donner suite ou de saisir l’autorité compétente, le supérieure hiérarchique ou l’employeur de la personne dénoncée.
Constitue ainsi une dénonciation calomnieuse le fait pour une personne de se prétendre faussement victime de viol et de dénoncer une personne, qu’elle sait innocente, auprès d’une personne tenue à une obligation de dénonciation auprès du procureur de la République.
Lorsqu’elle est caractérisée, la dénonciation calomnieuse est punie de cinq ans d’emprisonnement et d’une amende de 45.000 euros.
1.2. L’appréciation de la fausseté du fait dénoncé
Les derniers alinéas de l’article 226-10 du Code pénal prévoient que “la fausseté du fait dénoncé résulte nécessairement de la décision, devenue définitive, d’acquittement, de relaxe ou de non-lieu, déclarant que le fait n’a pas été commis ou que celui-ci n’est pas imputable à la personne dénoncée.
En tout autre cas, le tribunal saisi des poursuites contre le dénonciateur apprécie la pertinence des accusations portées par celui-ci“.
Ainsi, avant de déposer plainte pour dénonciation calomnieuse, il est indispensable de s’assurer que la fausseté du fait dénoncé pourra être démontré. À défaut, soit votre plainte sera classée sans suite, soit la personne poursuivie sera relaxée.
Si vous avez bénéficié d’une décision définitive confirmant votre innocence concernant les faits dénoncés, alors la juridiction ne pourra qu’en déduire que le fait dénoncé était faux. Il pourra s’agir :
- d’une ordonnance définitive de non-lieu rendue par le juge d’instruction ;
- d’un arrêt définitif de non-lieu rendu par la Chambre de l’instruction ;
- d’un jugement définitif de relaxe rendu par le Tribunal correctionnel ou par le Tribunal de police ;
- d’un arrêt définitif de relaxe rendu par la Chambre des appels correctionnels ;
- d’un arrêt définitif d’acquittement rendu par la Cour d’assises ou par la Cour criminelle départementale.
Si la plainte qui a été déposée contre vous a été classée sans suite par le procureur de la République, la juridiction saisie pour dénonciation calomnieuse appréciera la pertinence des accusations portées à votre encontre.
II – QUELLE EST LA DIFFÉRENCE ENTRE LA DÉNONCIATION CALOMNIEUSE ET LA DIFFAMATION ?
La dénonciation calomnieuse et la diffamation ont pour point commun de constituer de porter atteinte à l’honneur de leur victime.
Il ne faut toutefois pas confondre ces deux infractions bien distinctes.
En effet, la diffamation est un délit prévu à l’article 29 de la loi du 29 juillet 1881.
La diffamation se définit ainsi comme l’allégation ou l’imputation d’un fait portant atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé.
La diffamation est caractérisée quand bien même l’allégation serait dubitative ou qu’elle viserait une personne ou un corps non expressément nommés mais dont l’identification est rendue possible par les termes des discours, cris, menaces, écrits ou imprimés, placards ou affiches incriminés.
La dénonciation calomnieuse se distingue de la diffamation par les éléments suivants :
- elle repose sur un mensonge puisque le fait dénoncé doit être faux alors que la véracité des propos n’a aucune incidence sur la caractérisation du délit de diffamation ;
- elle n’est adressée qu’à l’une des personnes visées à l’article 226-10 du Code pénal tandis que la diffamation peut être adressée à toute personne et donc être rendue publique ;
- elle constitue un délai de droit commun qui se prescrit au bout de six ans alors que la diffamation est un délit de presse qui se prescrit au bout de trois mois.
III – DÉNONCIATION CALOMNIEUSE ET LIBERTÉ D’EXPRESSION
L’article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l’Homme et des libertés fondamentales consacre la liberté d’expression :
“Toute personne a droit à la liberté d’expression. Ce droit comprend la liberté d’opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu’il puisse y avoir ingérence d’autorités publiques et sans considération de frontière“.
Toutefois cet article prévoit également que l’exercice de la liberté d’expression, qui comporte des devoirs et des responsabilités , peut être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions qui constituent des mesures nécessaires notamment à la protection de la réputation ou des droits d’autrui.
Or, le fait de dénoncer un comportement prétendument illicite devant une autorité est susceptible de relever de la liberté d’expression. La répression de la dénonciation calomnieuse peut donc apparaître comme une ingérence dans l’exercice de la liberté d’expression.
La Cour européenne des Droits de l’Homme (CEDH) a rappelé, dans différents arrêts, que cette ingérence devait être prévue par la loi, poursuivre un but légitime et être nécessaire dans une société démocratique.
La CEDH assure un contrôle de proportionnalité de l’ingérence. La nature et la lourdeur des sanctions infligées sont donc pris en considération pour évaluer la proportionnalité de ladite ingérence.
Dans un arrêt Tête contre France rendu le 26 mars 2020, la Cour européenne des Droits de l’Homme a ainsi estimé que l’ingérence dans l’exercice du droit au respect de la liberté d’expression n’était pas proportionnée au but légitime poursuivi.
Dans un arrêt rendu le 8 janvier 2025, la Chambre criminelle de la Cour de cassation a également considéré qu’en matière de dénonciation calomnieuse les juges doivent procéder à un contrôle de proportionnalité :
“Lorsque le prévenu invoque une atteinte disproportionnée à sa liberté d’expression, il appartient au juge, après s’être assuré, dans l’affaire qui lui est soumise, du lien direct entre le comportement incriminé et la liberté d’expression sur un sujet d’intérêt général, de vérifier le caractère proportionné de la déclaration de culpabilité, puis de la peine. Ce contrôle de proportionnalité nécessite un examen d’ensemble, qui doit prendre en compte, concrètement, entre autres éléments, les circonstances des faits, la gravité du dommage ou du trouble éventuellement causé”.
Ce contrôle de proportionnalité se justifie d’autant plus que le droit au respect de la vie privée et la liberté d’expression ont la même valeur normative comme l’a rappelé l’Assemblée Plénière de la Cour de cassation dans un arrêt prononcé le 25 octobre 2019.
Dans l’arrêt du 8 janvier 2025, la Cour de cassation précise que “La proportionnalité de cette ingérence doit être appréciée en prenant en compte divers éléments, tels, notamment, dans le cas de la dénonciation calomnieuse, la nature et la forme des propos poursuivis, le contexte de leur expression ou de leur diffusion, la gravité des accusations, ainsi que leurs conséquences pour les personnes visées“.
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