Doranges Avocat

Comprendre le viol en deux minutes

Le droit pénal français a changé sa boussole en 2025. Il a récemment modifié la définition légale du viol et des agressions sexuelles.

I – LA DÉFINITION DU VIOL

1.1. LA DÉFINITION DU VIOL JUSQU’EN 2025

Jusqu’en 2025, l’article 222-23 du Code pénal définissait le viol par un acte de pénétration sexuelle, « de quelque nature qu’il soit », ou un acte bucco-génital, commis « par violence, contrainte, menace ou surprise ». 

Sur la frontière matérielle, la jurisprudence rappelait que la pénétration digitale ou par objet entrait dans le champ, et que fellation ou cunnilingus constituaient des actes bucco-génitaux. En l’absence de pénétration, les autres gestes non consentis relevaient des agressions sexuelles. Les juridictions appréciaient in concreto la violence, la contrainte, la menace, la surprise, y compris par la contrainte morale liée à l’âge.

1.2. LA NOUVELLE DÉFINITION DU VIOL

À la fin du mois d’octobre 2025, le Parlement a adopté une proposition de loi qui réécrit l’article liminaire sur les agressions sexuelles et insère une définition légale du consentement.

Le texte adopté par l’Assemblée nationale le 23 octobre 2025, puis voté définitivement au Sénat le 29 octobre 2025, érige « tout acte sexuel non consenti » en définition-cadre des agressions sexuelles. Il précise que « le consentement est libre et éclairé, spécifique, préalable et révocable », qu’il s’apprécie « au regard des circonstances » et « ne peut être déduit du seul silence ou de la seule absence de réaction ».

Pour le viol, le nouvel article 222-23 mentionnera désormais explicitement l’acte bucco-anal aux côtés des actes bucco-génitaux et des pénétrations « de quelque nature qu’elles soient ».

AInsi, dans ce viol nouvellement définit, le critère pivot n’est plus l’exigence probatoire de violence, contrainte, menace ou surprise, mais l’absence de consentement. Les quatre leviers restent des cas où, par définition, il n’y a pas de consentement. Cette architecture place l’élément matériel du viol au même endroit qu’avant (une pénétration ou un acte bucco-génital ou bucco-anal), mais change la clé d’analyse de l’élément moral.

Le législateur fait entrer dans la loi pénale des qualifications subjectives du consentement (« libre et éclairé, spécifique, préalable et révocable »). Ces critères sont compréhensibles pour un civiliste. En revanche, en droit pénal, ces critères accroissent l’aire d’incertitude et renvoient aux juges une marge d’appréciation large.

Le déplacement du centre de gravité vers le « non-consentement » peut, en pratique, déplacer le débat probatoire vers le comportement de la victime au moment des faits. Des tribunes l’avaient anticipé : inscrire le non-consentement ne suffit pas à corriger l’impunité si l’enquête pénale reste pauvre, si la formation aux psychotraumatismes demeure lacunaire, ou si les stéréotypes persistent. Le risque est de substituer au test « violence/contrainte/menace/surprise » un test « absence de consentement » qui, mal instruit, reconduit les mêmes biais.

II – COMMENT AGIR EN CAS DE VIOL ?

2.1. DÉPOSER PLAINTE POUR VIOL

Le dépôt de plainte ne doit pas être confondu avec une déclaration de main courante.

Pour rappel, la plainte peut être déposée dans le commissariat de Police ou la Brigade de Gendarmerie de votre choix et ceci sans tenir compte du lieu de commission des faits dénoncés.

Lors de votre dépôt de plainte vous pouvez être assisté par un avocat et vous pouvez solliciter un examen médico-judiciaire. En cas d’inertie ou de classement sans suite, vous pouvez saisir le juge d’instruction par le biais d’une plainte avec constitution de partie civile.

Vous devez agir avant l’expiration du délai de prescription de l’action publique.

2.2. SE DÉFENDRE EN CAS DE FAUSSE PLAINTE POUR VIOL

Notre objectif à travers n’est naturellement pas de nier ni la réalité des viols ni la souffrance des victimes. Le viol existe, détruit des vies et appelle une réponse pénale adaptée.

Il ne faudrait pour autant pas admettre qu’il existe également des accusations de viol visent une personne précise et qui s’avèrent purement fantaisistes.

Ces fausses accusations sont elles aussi destructrices pour la personne mise en cause mais également pour ses proches. Lorsqu’à l’issue d’une enquête pénale il établit que les faits de viol dénoncés n’ont pas été commis, il serait judicieux que des poursuites soient engager pour dénonciation calomnieuse

Les principes essentiels de la procédure pénale imposent de protéger la présomption d’innocence par la preuve, la méthode et le contradictoire, sans jamais minimiser la gravité du viol.

2.2.1. Qu’est-ce qu’une fausse plainte pour viol ?

Dans la pratique, les fausses plaintes observées se regroupent en profils récurrents. D’abord les plaintes intentionnelles et instrumentales, déposées pour un gain matériel, une vengeance, un alibi ou la recherche de sympathie et d’attention.

Certaines recherchent ont permis d’établir les motifs dominants pour accuser faussement une personne de viol :

  • l’espérance d’un gain matériel ;
  • l’alibi ;
  • la vengeance ;
  • obtenir la sympathie ou l’attention de l’entourage ;
  • un état mental perturbé ,
  • le « réétiquetage » d’une relation ;
  • le regret d’avoir eu un rapport sexuel consenti avec la personne accusée.

Viennent ensuite des requalifications a posteriori liées à une dissonance cognitive, décrites en cas réel quand la personne n’arrive pas à concilier un acte consenti avec ses normes morales ou religieuses et reconfigure le récit pour réduire la tension interne.

On rencontre aussi des plaintes dictées par un état mental perturbé, puis des plaintes factuellement fausses sans mensonge, dues à la malléabilité de la mémoire : faux souvenirs induits par la suggestibilité ou certains contextes de prise en charge, erreurs de source, biais rétrospectifs, amnésies partielles.

L’alcool ou les drogues créent des lacunes que la personne « comble » ensuite de façon plausible pour elle, ce qui peut produire une allégation inexacte mais sincère. À part, les conflits de séparation parentale génèrent un taux plus élevé d’allégations sciemment mensongères que la moyenne, pointé dans les travaux comparatifs sur les violences déclarées sur mineurs.

Ces catégories ne s’excluent pas et ne préjugent pas de la sincérité initiale ; elles servent à orienter les actes utiles de vérification.

Les synthèses prudentes qui ne comptent que les cas avérés de fausses accusations de viol estiment que celles-ci représentent jusqu’à 10,9 % des plaintes pour viol. Précisons que ces études distinguent clairement les fausses accusations de viol et accusations non prouvées. 

2.2.2. Faire face à une fausse accusation de viol ?

Quand une personne est faussement accusée de viol, l’objectif n’est pas de convaincre par des proclamations, mais de sécuriser la procédure et d’assembler des éléments solides.

Tout commence au tout premier contact avec les enquêteurs que ce soit dans le cadre d’une audition libre ou d’une garde à vue.

Aucune précipitation n’est utile. Mieux vaut temporiser et préparer un entretien avec son avocat pénaliste, plutôt que de produire un récit brouillon.

Ensuite, tout se joue dans la maîtrise de l’environnement probatoire. Il ne faut rien effacer, rien jeter, rien « nettoyer ». Les téléphones, le matériel informatique, les échanges par messages (SMS, WhatsApp, ou via les réseaux sociaux), les courriels, les historiques de localisation, les agendas, les notes et les photos constituent des traces qui, croisées, reconstituent une chronologie incontestable.

Le plus sûr est de figer les données et d’en organiser la lecture avec votre avocat pénaliste, en ciblant les réquisitions utiles que le procureur de la République pourra délivrer en enquête préliminaire.

Si une information judiciaire s’ouvre, la défense gagne un levier procédural déterminant. car elle a accès au dossier de la procédure et peut solliciter des actes précis et datés, comme l’audition d’un témoin, une confrontation, une expertise, un transport sur les lieux, ou la production d’une pièce.

Dans tous les cas, le séparateur de risques est simple : aucun contact avec la plaignante ou son entourage. Pas de message, pas d’« explication », pas d’intermédiaire. Dans le meilleur des cas, ce contact sera inutile et ambigu ; dans le pire, il créera une suspicion de pression.

Il faut aussi garder le silence médiatique. La procédure d’enquête et d’instruction est secrète. S’exposer sur les réseaux ou dans la presse, publier des extraits de procès-verbaux, commenter l’enquête, c’est prendre un risque procédural réel et nourrir un emballement public difficilement réversible. En cas d’atteinte publique à la présomption d’innocence, l’action civile prévue à l’article 9-1 du Code civil peut être engagée pour faire cesser le trouble et obtenir réparation. Le temps de la défense pénale est judiciaire, pas médiatique. 

L’argumentation sur la possibilité de fausses allégations doit rester mesurée et documentée. La criminologie et la psychologie montrent un phénomène réel, même s’il est délicat à quantifier.

Enfin, une défense réussie ne se limite pas à l’innocence pénale. Elle doit réparer. Après un classement sans suite motivé, un non-lieu, une relaxe ou un acquittement, l’action civile peut viser l’indemnisation des frais, des pertes d’opportunités et du préjudice moral. Selon l’exposition publique, des actions fondées sur la diffamation ou sur l’atteinte à la présomption d’innocence peuvent se cumuler, dans des délais brefs et avec une stratégie de preuve alignée sur ce qui a été versé au pénal.

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Dans une affaire de viol, que l’on soit victime, mis en cause ou mis en examen, il est indispensable de pouvoir compter sur l’expérience et sur l’expertise d’un avocat pénaliste.

 

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