
I – C’EST QUOI UNE GARDE À VUE ?
1.1. DÉFINITION DE LA GARDE À VUE
La garde à vue (GAV) est une mesure exceptionnelle permettant à la police ou à la gendarmerie de retenir temporairement une personne suspectée d’avoir commis ou tenté de commettre un délit ou un crime.
Elle ne constitue pas une condamnation, mais un outil d’enquête destiné à vérifier les faits, confronter les versions et éviter la disparition de preuves.
Selon l’article 62-2 du Code de procédure pénale, la garde à vue ne peut être décidée que s’il existe des raisons plausibles de soupçonner qu’une personne a participé à la commission d’un crime ou d’un délit puni d’une peine d’emprisonnement, et si cette mesure est l’unique moyen d’atteindre un ou plusieurs objectifs précis, tels que :
- permettre l’exécution des investigations impliquant la présence du suspect ;
- garantir la présentation du gardé à vue devant le procureur de la République ;
- empêcher des pressions sur des témoins ou des victimes ;
- préserver des preuves matérielles ;
- mettre fin à l’infraction en cours.
La garde à vue est donc une privation de liberté encadrée qui, conformément aux dispositions de l’article 63 du Code de procédure pénale, décidée par un officier de police judiciaire (OPJ) sous le contrôle du procureur de la République.
Cette mesure doit être notifiée immédiatement à l’intéressé, qui doit comprendre la nature de la mesure et les faits reprochés. La garde à vue ne peut jamais être utilisée à des fins d’intimidation ou de sanction.
1.2. DIFFÉRENCES ENTRE GARDE À VUE ET AUDITION LIBRE
L’audition libre, prévue par l’article 61-1 du Code de procédure pénale, permet d’entendre une personne sans contrainte. Elle s’applique lorsqu’il existe des soupçons, mais que le recours à la garde à vue n’est pas nécessaire.
Il ne s’agit donc pas d’une mesure privative de liberté.
Critères | Garde à vue | Audition libre |
Possibilité de quitter librement les locaux de Police ou de Gendarmerie | Non | Oui |
Durée maximale de la mesure | 24 heures renouvelables | Non limitée mais raisonnable |
Notification des droits | Obligatoire | Obligatoire mais allégée |
Assistance d’un avocat | Oui, dès le début | Possible s’il vous est reproché un crime ou un délit puni d’une peine d’emprisonnement |
Objectif | Mesure coercitive | Entretien volontaire |
II – LE DÉROULEMENT DE LA GARDE À VUE
2.1. LES CONDITIONS POUR ÊTRE PLACÉ EN GARDE À VUE
Conformément aux dispositions de l’article 63 du Code de procédure pénale, seul un officier de police judiciaire (OPJ) peut placer une personne en garde à vue.
La garde à vue est exécutée sous le contrôle du procureur de la République ou du juge d’instruction.
L’OPJ doit, dès le début de la mesure, informer le procureur de la République, par tout moyen, du placement de la personne en garde à vue
Le procureur de la République vérifie :
- la légalité du placement (existence d’indices graves ou concordants) ;
- la nécessité de la mesure au regard de l’enquête ;
- et la proportionnalité entre l’atteinte à la liberté et la gravité de l’infraction.
La garde à vue est donc une mesure judiciaire et non pas policière : l’OPJ l’exécute, mais le parquet en contrôle la régularité.
Motifs de la garde à vue
L’article 62-2 du Code de procédure pénale liste les six objectifs pouvant justifier la garde à vue :
- permettre l’exécution d’investigations nécessitant la présence du suspect ;
- garantir sa présentation devant le procureur ;
- empêcher la modification ou la destruction de preuves ;
- empêcher des pressions sur des témoins ou des victimes ;
- empêcher une concertation frauduleuse entre coauteurs ou complices ;
- garantir la cessation de l’infraction en cours.
Durée de la garde à vue
En principe, la garde à vue dure 24 heures maximum. Elle peut être prolongée une fois, pour une durée totale de 48 heures, si l’infraction est punie d’au moins un an d’emprisonnement et que le procureur de la République le décide expressément.
Toutefois, et conformément aux dispositions de l’article 706-88 du Code de procédure pénale, certaines infractions graves bénéficient de régimes dérogatoires. Il en est ainsi :
- de la criminalité organisée et du trafic de stupéfiants : la durée maximale de la garde à vue est de 96 heures ;
- du terrorisme : la durée maximale de la garde à vue est de 144 heures sous le contrôle du juge des libertés et de la détention.
La durée de la mesure court à compter de placement en garde à vue.
Toutefois, si avant d’être placée en garde à vue, vous avez été appréhendé ou vous avez fait l’objet de toute autre mesure de contrainte pour les mêmes faits, l’heure du début de la garde à vue est fixée à l’heure à partir de laquelle vous avez été privé de liberté.
Si votre placement en garde à vue est effectué dans le prolongement immédiat d’une audition libre, l’heure du début de la garde à vue est fixée à l’heure du début de l’audition libre.
Enfin, si vous avez déjà été placé en garde à vue pour les mêmes faits, la durée des précédentes périodes de garde à vue s’impute sur la durée de la mesure.
La notification de la garde à vue
Dès le début de la mesure, et conformément aux dispositions de l’article 63-1 du Code de procédure pénael, vous devez être informé de votre placement en garde à vue et de la durée possible de cette mesure. Vous devez également être informé de la qualification des faits qui vous sont reprochés ainsi que de vos différents droits :
- droit d’être assistée par un avocat ;
- droit de faire prévenir un proche ou votre employeur ;
- droit à un interprète ;
- droit à un examen médical ;
- droit de vous taire.
L’OPJ doit vérifier que la personne placée en garde à vue comprend ces différentes informations, ce qui suppose parfois le recours à un interprète.
2.2. LES DROITS FONDAMENTAUX DU GARDÉ À VUE
Le droit à l’avocat
C’est la garantie essentielle de la personne placée en garde à vue.
L’article 63-3-1 du Code de procédure pénale prévoit que, dès le début de la garde à vue et à tout moment au cours de celle-ci, la personne peut demander à être assistée par un avocat désigné par elle ou par un avocat commis d’office.
L’avocat peut également être désigné par une personne avec laquelle vous vivez habituellement ou l’un de vos parents en ligne directe ou l’un de vos frères et sœurs ou toute autre personne que vous aurez désigné. L’avocat peut également être désigné par votre employeur.
Il est fortement recommandé d’exercer effectivement votre droit à un avocat.
Vous bénéficierez ainsi d’un entretien confidentiel d’une durée maximale de trente minutes avec votre avocat.
L’avocat pourra ensuite assister aux auditions et aux confrontations mais également poser des questions à la fin de l’audition ou de la confrontation.
Le droit de prévenir un proche ou son employeur
L’article 63-2 du Code de la procédure pénale prévoit que la personne placée en garde à vue peut, à sa demande, “faire prévenir, par téléphone, une personne avec laquelle elle vit habituellement ou l’un de ses parents en ligne directe ou l’un de ses frères et sœurs ou toute autre personne qu’elle désigne de la mesure dont elle est l’objet. Elle peut en outre faire prévenir son employeur. Lorsque la personne gardée à vue est de nationalité étrangère, elle peut faire contacter les autorités consulaires de son pays“.
Le procureur peut toutefois différer cette information si cette décision est, au regard des circonstances, indispensable afin de permettre le recueil ou la conservation des preuves ou de prévenir une atteinte grave à la vie, à la liberté ou à l’intégrité physique d’une personne.
Le droit à un examen médical
L’article 63-3 du Code de procédure pénale précise que toute personne placée en garde à vue à droit de solliciter d’être examinée par un médecin. Il ne s’agit pas de son médecin traitant mais du médecin désigné par le procureur de la République ou par l’OPJ.
Le médecin se prononce sur l’aptitude au maintien en garde à vue et procède à toutes constatations utiles. Si le médecin estime que la personne n’est pas apte, la mesure doit être levée immédiatement.
Le droit au silence
La personne placée en garde à vue n’est pas tenue de répondre aux questions qui lui sont posées.
L’article 63-1 du Code de procédure pénale précise en effet que lors de ses auditions la personne placée en garde à vue a droit, après avoir décliné son identité, de faire des déclarations, de répondre aux questions qui lui sont posées ou de se taire.
Pour rappel, dans un arrêt Brusco contre France daté du 14 octobre 2010, la Cour européenne des Droits de l’Homme a rappelé l’importance du droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination et l’importance du droit pour la personne placée en garde à vue de garder le silence.
III – COMPORTEMENT À ADOPTER EN CAS DE PLACEMENT EN GARDE À VUE
3.1. LE COMPORTEMENT À ADOPTER DURANT LA GARDE À VUE
3.1.1. Lors de l’interpellation
Votre première réaction lors d’une interpellation doit être le calme et la maîtrise.
Tout geste brusque, résistance ou parole déplacée peut être interprété comme de la rébellion.
Pour rappel, et conformément aux dispositions de l’article 433-6 du Code pénal, la rébellion consiste dans “le fait d’opposer une résistance violente à une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public agissant, dans l’exercice de ses fonctions, pour l’exécution des lois, des ordres de l’autorité publique, des décisions ou mandats de justice“
Ce que vous devez faire immédiatement :
- demander les motifs de votre interpellation ;
- ne pas résister même si vous contestez les faits ;
- ne pas tenter de se justifier immédiatement.
3.1.2. Lors des auditions
C’est le moment le plus important car vos propos peuvent orienter toute l’enquête.
Votre stratégie doit être simple : comprendre, réfléchir, et ne pas précipiter vos réponses.
Faites valoir vos droits et notamment le droit au silence et le droit d’être assisté par un avocat.
Durant l’audition, il est fortement recommander :
- d’écouter attentivement chaque question posée par l’OPJ ;
- de demander la reformulation des questions que vous ne comprenez pas ;
- de répondre avec prudence à la question posée ;
- de lire intégralement le procès-verbal avant de le signer.
3.1.3. Vos échanges avec la police
Les fonctionnaires de police ou de gendarmerie, ont pour objectif de recueillir les éléments utiles à l’enquête.
Ne cédez pas aux pressions verbales : “avouez ce sera plus simple“, “si vous n’avez rien à vous reprocher, inutile de prendre un avocat“, “sans l’avocat ça ira plus vite“? etc.
3.2. LE COMPORTEMENT À ADOPTER À L’ISSUE DE LA GARDE À VUE
3.2.1. En cas de poursuites pénales
Si le procureur de la République estime que des charges suffisantes existent, il peut décider de vous poursuivre :
- soit dans le cadre d’une comparution immédiate ;
- soit en sollicitant l’ouverture d’une information judiciaire ;
- soit en vous transmettant une convocation devant le Tribunal Correctionnel.
3.2.2. En l’absence de poursuites pénales
Si le procureur de la République estime que les faits reprochés ne sont pas caractérisés, il décidera d’un classement sans suite. Votre garde à vue prendra alors fin sans conséquence pénale.
IV – L’AVOCAT PÉNALISTE, ALLIÉ INDISPENSABLE DURANT LA GARDE À VUE
L’avocat pénaliste n’est pas seulement un technicien du droit. Durant une garde à vue, il est le garant du bon respect de vos droits.
4.1. L’intervention immédiate de l’avocat pénaliste
Vous pouvez exiger la présence d’un avocat dès le début de la garde à vue.
L’OPJ doit suspendre la procédure jusqu’à son arrivée. L’entretien confidentiel de trente minutes permet à votre avocat pénaliste de :
- vérifier que vos droits vous ont été notifiés ;
- connaître les infractions qui vous sont reprochées ;
- vous expliquer la suite de la procédure ;
- préparer la stratégie d’audition.
4.2. Le rôle de l’avocat pénaliste pendant la garde à vue
L’avocat pénaliste a trois missions essentielles :
- protéger vos droits fondamentaux : il s’assure que la procédure respecte les règles ;
- préparer votre défense : il évalue les risques de poursuites pénales et prépare les arguments pour la suite de la procédure ;
- conserver la preuve des irrégularités : il relève chaque manquement.
L’article 63-4-3 du Code de procédure pénale prévoit qu’à l’issue de chaque entretien avec la personne placée en garde ainsi qu’à l’issue de chaque audition ou de chaque confrontation, votre avocat peut présenter des observations écrites.
4.3. Pourquoi faire appel à un avocat pénaliste dès le début ?
La garde à vue est une zone grise où se joue souvent l’avenir du dossier pénal.
Beaucoup de personnes commettent l’erreur de penser qu’elles n’ont rien à cacher et peuvent se défendre seules.
Or, un simple mot mal interprété peut suffire à déclencher des poursuites.
Un avocat pénaliste expérimenté connaît la logique des enquêtes, les méthodes d’interrogatoire et les marges de manœuvre prévues par le Code de procédure pénale.
Il agit alors comme un filtre protecteur entre vous et l’autorité policière, garantissant que votre parole soit respectée et que votre défense soit solide dès la première heure.
*
* *
La garde à vue est une mesure redoutable, à la fois utile pour les enquêteurs et risquée pour les justiciables. Elle reste donc, pour la personne placée en garde à vue, un moment de grande vulnérabilité.
Une réaction inappropriée ou une déclaration impulsive peut suffire à bouleverser le cours d’une enquête.
L’avocat pénaliste n’est pas un luxe : il est votre garantie de justice et de dignité.
LES RÉFLEXES
À ADOPTER EN GARDE À VUE
- Restez calme. Ne résistez pas à l’interpellation et évitez tout geste agressif.
- Demandez la notification claire de vos droits. Vous devez comprendre pourquoi vous êtes retenu.
- Exigez la présence d’un avocat pénaliste. C’est votre droit dès la première minute.
- N’acceptez aucune audition ni aucune confrontation hors la présence de votre avocat.
- Utilisez votre droit au silence. Vous n’avez pas à tout expliquer immédiatement.
- Faites prévenir un proche et/ou votre employeur.
- Ne signez aucun procès-verbal sans avoir pris soin de le lire attentivement. Une fois signe ce sera plus compliqué de le contester.
- Signalez tout comportement anormal émanant des forces de l’ordre. Vous ne devez subir ni violence, ni pression.
- Contactez un avocat spécialiste en droit pénal dès la fin de la garde à vue.