Comprendre la prescription en droit pénal en 2 minutes

I – C’EST QUOI LA PRESCRIPTION EN DROIT PÉNAL ? 

En droit pénal, la prescription est le délai à l’expiration duquel il n’est plus possible de poursuivre ou de condamner l’auteur ou le complice d’une infraction pénale. Il s’agit également du délai à l’expiration duquel il n’est plus possible de mettre à exécution une peine à l’encontre d’une personne condamnée. 

Il existe donc deux formes de prescription : la prescription de l’action publique et la prescription de la peine.

La prescription doit donc s’analyser comme un droit à l’oubli.

La Cour européenne des Droits de l’Homme, dans un arrêt Stubbings et autres contre Royaume-Uni du 22 octobre 1996, a considéré que les délais de prescription en matière pénale poursuivent “plusieurs finalités importantes, à savoir garantir la sécurité juridique en fixant un terme aux actions, mettre les défendeurs potentiels à l’abri de plaintes tardives peut-être difficile à contrer, et empêcher l’injustice qui pourrait se produire si les tribunaux étaient appelés à se prononcer sur des évènements survenus loin dans le passé à partir d’éléments de preuve auxquels on ne pourrait plus ajouter foi et qui seraient incomplets en raison du temps écoulé“. 

1.1. LA PRESCRIPTION DE L’ACTION PUBLIQUE

L’action publique est prescrite toutes les fois où, en raison de l’expiration d’un certain délai, il n’est plus possible d’engager des poursuites à l’encontre des auteurs et/ou des complices d’une infraction pénale.

La prescription de l’action publique bénéficie donc à l’ensemble des personnes qui ont participé à la commission de l’infraction pénale.

La prescription de l’action publique vient donc sanctionner l’inaction des organes de poursuite et est justifiée par le dépérissement des preuves.

Le principe de la prescription de l’action publique existait déjà sous l’Ancien régime. Il a été repris dans le Code pénal de l’époque révolutionnaire en reconnaissant une prescription en matière criminelle.

Pour autant, et comme l’a rappelé l’assemblée plénière de la Cour de Cassation dans plusieurs arrêtes rendus le 20 mai 2011, “la prescription de l’action publique ne revêt pas le caractère d’un principe fondamental reconnu par les lois de la République et ne procède pas des articles 7 et 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789, ni d’aucune disposition, règle ou principe de valeur constitutionnelle”.

C’est également la position du Conseil d’État qui, dans un avis daté du 1er octobre 2015, a estimé que “ni la Constitution, ni la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ne comportent de disposition expresse relative à la prescription en matière pénale“.

Il peut donc exister des crimes imprescriptibles. En effet, dans une décision datée du 22 janvier 1999, le Conseil Constitutionnel a estimé “qu’aucune règle, ni aucun principe de valeur constitutionnelle, n’interdit l’imprescriptibilité des crimes les plus graves qui touchent l’ensemble de la communauté internationale“.

Dans sa décision n°2019-785 QPC du 24 mai 2019, le Conseil Constitutionnel a donc affirmé que la prescription de l’action publique en matière pénale ne constitue pas un principe fondamental reconnu par les lois de la République.

Si une personne porte plainte pour une infraction pénale prescrite alors sa plainte sera classée sans suite par le procureur de la République.

Il peut arriver que des poursuites soient engagées à l’encontre d’une personne alors que l’infraction reprochée est prescrite. Si tel est le cas, il sera poursuite de soulever la prescription de l’action publique soit devant le juge d’instruction, soit devant la juridiction de jugement.

Il convient de rappeler que si les faits ne sont pas prescrits mais qu’il s’est écoulé un temps important entre la commission des faits et la condamnation, la juridiction doit tenir compte de ce temps écoulé pour déterminer la sanction. 

1.2. LA PRESCRIPTION DE LA PEINE

La peine est prescrite toutes les fois où, en raison de l’expiration d’un certain délai, il n’est plus possible de mettre à exécution une peine à l’encontre de la personne qui a été définitivement condamnée par une juridiction pénale.

Le fait que la peine soit prescrite ne signifie pas que la condamnation pénale est effacée. Elle demeure donc inscrite dans le casier judiciaire de la personne concernée.

La prescription de la peine n’a aucune incidence sur les intérêts civils, c’est-à-dire sur les sommes allouées à la victime à titre d’indemnisation de ses préjudices.

Conformément aux dispositions de l’article 133-6 du Code pénal l’indemnisation accordée à la victime se prescrit selon les règles du Code civil.

 II – QUELS SONT LES DÉLAIS DE PRESCRIPTION EN DROIT PÉNAL ?

Le délai de prescription de l’action publique court à compter du jour où l’infraction pénale a été commise sauf pour certaines infractions pénales commises sur des mineurs, notamment celles des articles 222-12, 222-29-1 et 227-26 du Code pénal, où le délai court à compter de la majorité de la victime.

2.1. LES DÉLAIS DE PRESCRIPTION DE L’ACTION PUBLIQUE DES CRIMES

Les délais de prescription des crimes sont prévus à l’article 7 du Code de procédure pénale.

Le délai de prescription est, par principe, fixé à 20 ans pour les crimes de droit commun.

Il est fixé à 30 ans pour les crimes de terrorisme, les meurtres/assassinats commis sur un mineur et précédés ou accompagnés d’un viol, de tortures, etc., les pratiques eugéniques, les disparitions forcées, les crimes prévus à l’article 706-47 du Code de procédure pénale.

Les crimes suivants sont imprescriptibles : génocide, provocation publique et directe à commettre un génocide, crime contre l’humanité, participation à un groupement formé ou à une entente établie en vue de la préparation d’un génocide ou d’un crime contre l’humanité.

Il convient de rappeler que, depuis le 23 avril 2021, si avant l’expiration du délai de prescription d’un viol sur un mineur, le même auteur commet sur un autre mineur un autre viol, une agression sexuelle ou une atteinte sexuelle, le délai de prescription du viol initial est prolongé jusqu’à la date de prescription de la nouvelle infraction.

2.2. LES DÉLAIS DE PRESCRIPTION DE L’ACTION PUBLIQUE DES DÉLITS

Les délais de prescription des délits sont prévus à l’article 8 du Code de procédure pénale.Le délai de prescription est, par principe, fixé à 6 ans pour les délits de droit commun.

Il est fixé à 10 ans pour les délits visés à l’article 706-47 du Code de procédure pénale et commis contre les mineurs, à 20 ans pour les délits de violences ayant entrainé une incapacité totale de travail supérieure à huit jours sur un mineur âgé de moins de quinze ans, pour les agressions sexuelles, pour les atteintes sexuelles aggravées sur un mineur âgé de moins de quinze ans.

Le délai de prescription est également de 20 ans pour les délits visés aux articles 706-167, 706-16 et 706-26 du Code de procédure pénale.

Pour les délits de presse, le délai de prescription de l’action publique est fixé à 3 mois.

2.3. LES DÉLAIS DE PRESCRIPTION DE L’ACTION PUBLIQUE DES CONTRAVENTIONS

Les délais de prescription des contraventions sont prévus à l’article 9 du Code de procédure pénale.

Le délai de prescription est, par principe, fixé à 1 an pour les contraventions de droit commun.

Les contraventions douanière se prescrivent au bout de 3 ans.

2.4. LES DÉLAIS DE PRESCRIPTION DE la PEINE

S’agissant des peines criminelles, les délais de prescription sont les suivants :

  • 20 ans révolus à compter de la date à laquelle la décision de condamnation est devenue définitive pour les crimes de droit commun ;
  • 30 ans révolus à compter de la date à laquelle la décision de condamnation est devenue définitive pour les crimes visés aux articles 214-1 à 214-4 et 221-12 du Code pénal, 706-16, 706-26 et 706-167 du Code de procédure pénale ;
  • Imprescriptibilité pour les crimes mentionnés aux articles 211-1 à 212-3 du Code pénal.

S’agissant des peines délictuelles, les délais de prescription sont les suivants :

  • 6 ans révolus à compter de la date à laquelle la décision de condamnation est devenue définitive pour les délits de droit commun ;
  • 20 ans révolus à compter de la date à laquelle la décision de condamnation est devenue définitive pour les délits prévus aux articles 706-16, 706-26 et 706-167 du Code de procédure pénale.

Enfin, s’agissant des peines contraventionnelles, les délais de prescription sont de 3 ans révolus à compter de la date à laquelle la décision de condamnation est devenue définitive.

 

III – SUSPENSION ET INTERRUPTION DE LA PRESCRIPTION EN DROIT PÉNAL 

 

3.1. LA SUSPENSION DE LA PRESCRIPTION DE L’ACTION PUBLIQUE

L’article 9-3 du Code de procédure pénale prévoit que tout obstacle de droit, prévu par la loi, ou tout obstacle de fait insurmontable et assimilable à la force majeure, qui rend impossible la mise en mouvement ou l’exercice de l’action publique, suspend la prescription.

3.2. L’INTERRUPTION DE LA PRESCRIPTION DE L’ACTION PUBLIQUE

L’article 9-2 du Code de procédure pénale prévoit quatre actes interruptifs du délai de prescription de l’action publique

  • l’acte émanant du ministère public ou de la partie civile tendant à la mise en mouvement de l’action publique prévu aux articles 81, 82, 87, 88, 388, 531 et 532 du Code de procédure pénale et à l’article 65 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse ;
  • l’acte d’enquête émanant du ministère public, tout procès-verbal dressé par un officier de police judiciaire ou un agent habilité exerçant des pouvoirs de police judiciaire tendant effectivement à la rechercher et à la poursuite des auteurs d’une infraction ;
  • l’acte d’instruction accompli par un juge d’instruction, une chambre de l’instruction ou des magistrats et officiers de police judiciaire par eux délégués, tendant effectivement à la recherche et à la poursuite des auteurs d’une infraction ;
  • tout jugement ou arrêt, même non définitif, s’il n’est pas entaché de nullité.

Chacun des actes, jugements ou arrêts mentionnés fait courir un délai de prescription d’une durée égale au délai initial.

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Si vous disposez de plus de deux minutes et que vous souhaitez en savoir davantage sur la prescription en droit pénal, n’hésitez pas à lire notre article.