Le droit face à la pratique des arts martiaux

25 novembre 2024

Depuis plus de quarante ans, les arts martiaux et les sports de combat suscitent un engouement croissant en France, que ce soit pour leur aspect physique, leur dimension philosophique ou leur potentiel compétitif.

Ayant eu l’opportunité de pratiquer différents arts martiaux avant de manière l’art juridique, il nous paraissait intéresser de rédiger un article sur l’encadrement juridique de la pratique des arts martiaux et des sports de combat.

Nous vous proposons une approche juridique de la pratique des arts martiaux et des sports de combat, à travers les enjeux de responsabilité civile et de responsabilité pénale.

Notre réflexion se focalisera ensuite sur le lien qui peut exister en légitime défense et arts martiaux / sports de combat.

I- LA RESPONSABILITÉ PÉNALE DU PRATIQUANT D’ARTS MARTIAUX ET DE SPORTS DE COMBAT 

1.1. LA RESPONSABILITÉ CIVILE LIÉE À LA PRATIQUE D’UN ART MARTIAL OU D’UN SPORT DE COMBAT 

1.1.1. La responsabilité civile dans le cadre des entraînements et des compétitions

La pratique des arts martiaux et des sports de combat dans un cadre réglementé – entraînement ou compétition officielle – est encadrée par le principe juridique de l’acceptation des risques.

Selon ce principe, les pratiquants acceptent les risques normaux et prévisibles liés à l’activité.

En effet l’article L.321-3-1 du Code du sport dispose que “les pratiquants ne peuvent être tenus pour responsables des dommages matériels causés à un autre pratiquant par le fait d’une chose qu’ils ont sous leur garde, au sens du premier alinéa de l’article 1242 du code civil, à l’occasion de l’exercice d’une pratique sportive au cours d’une manifestation sportive ou d’un entraînement en vue de cette manifestation sportive sur un lieu réservé de manière permanente ou temporaire à cette pratique“.

Autrement dit les participants à une compétition d’arts martiaux ou de sports de combat ou à un entraînement acceptent implicitement les risques inhérents à ladite activité. Cependant, cette acceptation n’est valable que dans la mesure où les règles de la discipline sont respectées.

En revanche, si un pratiquant commet une faute intentionnelle ou enfreint les règles de sa discipline, sa responsabilité civiel peut être engagée.

Ainsi, un coup interdit porté intentionnellement pourra être considéré comme une faute civile, ouvrant droit à réparation.

1.1.2. La responsabilité civile hors des entraînements et des compétitions

En dehors des entraînements et des compétitions, la responsabilité civile des pratiquants est régie par le droit commun de la responsabilité civile et donc par les dispositions des articles 1240 et suivants du Code civil.

Les techniques apprises dans le cadre de la pratique d’arts martiaux ou de sports de combat, peuvent causer de véritables préjudices à ceux qui les subissent.

Ainsi, si un karatéka, un judoka ou un vo-sinh (pratiquant de viet vo dao) utilise une technique de combat sur une personne dans une situation non légitime, il engagera sa responsabilité civile.

1.2. LA RESPONSABILITÉ PÉNALE LIÉE À LA PRATIQUE D’UN ART MARTIAUX OU D’UN SPORT DE COMBAT 

1.2.1. La responsabilité pénale dans le cadre des entraînements et des compétitions

Dans le cadre des compétitions officielles, les infractions pénales sont rares mais néanmoins possibles.

Si, lors d’un entraînement ou dans le cadre d’une compétition, un pratiquant assène intentionnellement un coup interdit, causant une blessure importante à son adversaire, il pourrait être poursuivi pour violences volontaires.

1.2.2. La responsabilité pénale hors des entraînements et des compétitions

Hors du cadre sportif, l’usage injustifié et disproportionné des techniques de combat apprises peut engager la responsabilité pénale du pratiquant.

Sur France Inter le 16 septembre 2024, le célèbre judoka Teddy Riner a déclaré : “En France, on est considéré comme des armes blanches. Il y a des choses qu’on doit faire et qu’on ne peut pas faire. On doit être conscient de ça”. 

Si l’on comprend parfaitement le sens de ses propos, il convient de préciser qu’ils ne se vérifient pas juridiquement parlant. Les pratiquants d’arts martiaux ou de sports de combat ne constituent pas des armes par destination. Force est en effet de constater qu’aucune des dispositions de l’article 132-75 du Code pénal ne fait référence à l’experience martiale d’une personne ou à ses compétences de combattant pour la définir comme une arme par destination.

II – LÉGITIME DÉFENSE ET PRATIQUE D’UN ART MARTIAL OU D’UN SPORT DE COMBAT 

La légitime défense est une cause d’irresponsabilité pénale prévue à l’article 122-5 du Code pénal.

Au coeur des débats se trouve régulièrement la question de la légitime défense lorsque la personne concernée pratique un art martial ou un sport de combat.

L’expertise d’un combattant exclue-t-elle nécessairement toute proportionnalité ou toute nécessité dans les moyens employés pour se défendre ?

 

Pour rappel, la légitime défense ne peut être invoquée si la riposte dépasse ce qui est strictement nécessaire pour repousser l’attaque.

Les pratiquants d’arts martiaux ou de sports de combat disposent d’une expertise qui les distingue du citoyen lambda.

Cette expertise peut avoir des implications juridiques puisque l’on pourrait considérer que ces pratiquants ont une responsabilité plus importante dans la mesure où ils ont une plus grande capacité à gérer une agression.

En outre, la dangerosité des techniques que maitrisent ces pratiquants oblige à s’interroger sur le respect du critère de proportionnalité de la riposte.

Pour les pratiquants d’arts martiaux et de sports de combat, la question de la nécessité se pose avec acuité. Ils sont souvent confrontés à un dilemme : intervenir avec leurs compétences et risquer d’être accusés d’excès de violence, ou éviter tout usage de la force et mettre leur sécurité en danger.