
I – DÉFINITION DU DEVOIR CONJUGAL
Dans le langage courant, on parle de “devoir conjugal” pour faire référence au fait qu’une personne mariée aurait l’obligation d’avoir régulièrement des rapports sexuels avec son conjoint.
L’article 212 du Code civil dispose que “les époux se doivent mutuellement respect, fidélité, secours, assistance“. Juridiquement, il faudrait donc parler de “devoirs conjugaux”, à savoir le respect, la fidélité, le secours et l’assistance – et non pas d’un devoir conjugal.
Si, conformément aux dispositions de l’article 215 du Code civil, les époux s’obligent mutuellement à une communauté de vie, il ne faut pas en déduire une obligation aux rapports intimes.
Les devoirs conjugaux n’excluent pas la notion de consentement entre époux. D’autant que le respect de l’autre époux est explicitement mentionné comme étant l’un des devoirs conjugaux.
Le mariage ne peut donc en aucun cas justifier une atteinte à la dignité ou à la liberté sexuelle de l’un des époux. Ainsi, le devoir conjugal ne saurait être invoqué comme une excuse pour justifier un acte non consenti.
Pour autant, dans un arrêt rendu le 3 mai 2011, la Cour d’appel d’Aix-en-Provence avait prononcé le divorce aux tors exclusifs d’un mari en le condamnant à verser 10.000 euros de dommages-intérêts à son épouse pour absence de relations sexuelles pendant plusieurs années.
II – DÉFINITION DU VIOL CONJUGAL
L’article 222-23 du Code pénal définit le viol comme “tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, ou tout acte bucco-génital commis sur la personne d’autrui ou sur la personne de l’auteur par violence, contrainte, menace ou surprise“.
Le viol est un crime puni de quinze de réclusion criminelle.
Le fait d’être marié à la victime permet-il d’exclure une condamnation pour viol Autrement dit, le fait d’imposer un rapport sexuel avec pénétration à son conjoint constitue-t-il un viol ?
La réponse n’appelle aucune hésitation : le mariage ne confrère aucun droit sur le corps de l’autre époux. Ainsi le viol conjugal constitue un viol aggravé.
En effet, l’article 222-24 du Code pénal dispose que le viol “commis par le conjoint ou le concubin de la victime ou le partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité” est puni de 20 ans de réclusion criminelle.
III – LA POSITION DE LA COUR EUROPÉENNE DES DROITS DE L’HOMME DANS SON ARRÊT DU 23 JANVIER 2025
Dans son arrêt H.W. contre France du 23 janvier 2025, la Cour européenne des Droits de l’Homme a condamné la France en réaffirmant que le viol conjugal constitue une violation des droits fondamentaux garantis par la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés Fondamentales.
L’affaire concernait un divorce pour faute qui avait été prononcé, par la Cour d’appel de Versailles le 7 novembre 2019, aux torts exclusifs de l’épouse au motif qu’elle avait cessé d’avoir des relations sexuelles avec son conjoint.
Dans un arrêt rendu le 17 septembre 2020, la Cour de cassation avait rejeté le pourvoi formé par l’épouse en estimant que les moyens invoqués n’étaient manifestement pas de nature à entraîner la cassation et donc la censure de l’arrêt rendu par la Cour d’appel.
La CEDH a considéré que “la réaffirmation du devoir conjugal et le prononcé du divorce aux torts exclusifs de la requérante ne reposaient pas sur des motifs pertinents et suffisants et que les juridictions internes n’avaient pas ménagé un juste équilibre entre les intérêts concurrents en jeu“.
L’existence d’une obligation conjugale d’avoir des rapports sexuels avec son conjoint est “contraire à la liberté sexuelle, au droit de disposer de son corps et à l’obligation positive de prévention qui pèse sur les États contractants en matière de lutte contre les violences domestiques et sexuelles”.
La France a naturellement été condamnée par la CEDH pour violation de l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l’Homme et des libertés fondamentale relatif au droit au respect de la vie privée et familiale.