Comprendre la réhabilitation judiciaire en deux minutes

Lorsque vous êtes condamné par une juridiction pénale, cela peut avoir des conséquences au-delà de la simple exécution de votre peine. Une condamnation pénale peut en effet entraîner une série d’interdictions, d’incapacités ou de déchéances légales : impossibilité d’exercer certaines professions, perte des droits civiques, difficultés d’accès à un emploi, inscription durable au casier judiciaire. Ces conséquences peuvent entraver durablement la réinsertion de la personne condamnée.

Afin de permettre aux condamnés de se réintégrer pleinement dans la société il existe des mécanismes destinés à atténuer ces effets une fois la peine exécutée. Parmi ces mécanismes, la réhabilitation judiciaire joue un rôle central.

I – QU’EST-CE QUE LA RÉHABILITATION JUDICIAIRE ?

1.1. Réhabilitation judiciaire et réhabilitation de plein droit

Il s’agit d’une procédure par laquelle une juridiction peut, après un certain délai et sous conditions, effacer les incapacités et interdictions résultant d’une condamnation. La réhabilitation judiciaire constitue ainsi une étape décisive du parcours de réinsertion, en rétablissant l’intégrité juridique du condamné.

L’article 133-12 du Code pénal dispose que toute personne frappée d’une peine criminelle, correctionnelle ou contraventionnelle peut bénéficier, soit d’une réhabilitation de plein droit, soit d’une réhabilitation judiciaire.

Il faut distinguer deux mécanismes :

  • la réhabilitation de plein droit  : elle intervient automatiquement après l’écoulement de certains délais, à condition qu’aucune nouvelle condamnation n’ait été prononcée contre la personne concernée. Elle est automatique, mais suppose que toutes les peines aient été exécutées ou prescrites.

L’article 133-13 du Code pénal prévoit ainsi que la réhabilitation est acquise de plein droit à la personne physique condamnée qui n’a subi aucune condamnation nouvelle à une peine criminelle ou correctionnelle dans un certain délai : 

  • pour la condamnation à l’amende ou à la peine de jours-amende après un délai de trois ans à compter du jour du paiement de l’amende ou du montant global des jours-amende, de l’expiration de la contrainte judiciaire ou du délai de l’incarcération ou de la prescription accomplie ;
  • pour la condamnation unique soit à un emprisonnement n’excédant pas un an, soit à une peine autre que la réclusion criminelle, la détention criminelle, l’emprisonnement, l’amende ou le jour-amende, après un délai de cinq ans à compter soit de l’exécution de la peine, soit de la prescription accomplie ;
  • pour la condamnation unique à un emprisonnement n’excédant pas dix ans ou pour les condamnations multiples à l’emprisonnement dont l’ensemble ne dépasse pas cinq ans, après un délai de dix ans à compter soit de l’expiration de la peine subie, soit de la prescription accomplie.

Le texte précise que les délai prévus sont doublés lorsque la personne a été condamnée pour des faits commis en état de récidive légale.

La réhabilitation de plein droit des personnes morales est prévue à l’article 133-14 du Code pénal.

  • la réhabilitation judiciaire  : elle doit être expressément demandée par le condamné et être accordée par la Chambre de l’instruction de la Cour d’appel. Elle n’est donc pas automatique et suppose la preuve d’un comportement satisfaisant depuis la condamnation.

L’article 782 du Code de procédure pénale prévoit que toute personne condamnée par une juridiction française à une peine criminelle, correctionnelle ou contraventionnelle peut être réhabilitée.

La réhabilitation, qu’elle soit de plein droit ou judiciaire, produit les mêmes effets qu’une amnistie et efface toutes les incapacités et déchéances qui résultent de la condamnation. Toutefois, et conformément aux dispositions du dernier alinéa de l’article 133-16 du Code pénal, la réhabilitation n’interdit pas la prise en compte de la condamnation, par les seules autorités judiciaires, en cas de nouvelles poursuites, pour l’application des règles sur la récidive légale.

1.2. Réhabilitation judiciaire et effacement du casier judiciaire

La réhabilitation judiciaire entraine l’effacement des condamnations des bulletins n°2 et n°3 du casier judiciaire de l’intéressé.

L’article 769 du Code de procédure pénale précise en effet que sont retirées du casier judiciaire les “condamnations ayant fait l’objet d’une réhabilitation judiciaire, lorsque la juridiction a expressément ordonné la suppression de la condamnation du casier judiciaire“.

L’article 798 du Code de procédure pénale précise que la réhabilitation judiciaire est mentionnée en marge des décisions de condamnation et qu’en conséquence, les bulletins n°2 et n°3 du casier judiciaire ne doivent pas faire mention des condamnations.

Le dernier alinéa de cet article précisant que l’arrêt de la Chambre de l’Instruction qui prononce la réhabilitation peut toutefois ordonner que la condamnation soit retirée du casier judiciaire et ne soit pas non plus mentionnée au bulletin n° 1.

Il convient toutefois de préciser que la réhabilitation n’interdit pas aux juridictions répressives de tenir compte des condamnations précédentes. C’est ainsi que dans un arrêt rendu le 7 mai 2025, la Chambre criminelle de la Cour de cassation a estimé que “la réhabilitation de plein droit d’une condamnation n’interdit pas à la juridiction de prendre en compte, lors de l’examen de la culpabilité de l’intéressé ou de la peine, cet élément de personnalité figurant régulièrement au dossier de la procédure par sa mention au casier judiciaire“.

II – COMMENT OBTENIR UNE RÉHABILITATION JUDICIAIRE ?

2.1. Les conditions pour obtenir une réhabilitation judiciaire

L’article 786 du Code de procédure pénale fixe le délai à partir duquel il est possible de solliciter une réhabilitation judiciaire :

  • cinq ans pour les condamnés à une peine criminelle ; 
  • trois ans pour les condamnés ) une peine correctionnelle ;
  • un an pour les condamnés à une peine contraventionnelle.

Ce texte précise que le délai court :

  • pour les condamnés à une peine d’amende :  du jour où la condamnation est devenue irrévocable ;
  • pour les condamnés à une peine privative de liberté : du jour de leur libération définitive ou du jour de leur libération conditionnelle lorsque celle-ci n’a pas été suivie de révocation ;
  • pour les condamnés à une sanction pénale autre que l’emprisonnement ou l’amende (par exemple une interdiction professionnelle) : du jour de l’expiration de la sanction subie.

Conformément aux dispositions de l’article 787 du Code de procédure pénale, les condamnés qui sont en état de récidive légale, ceux qui, après avoir obtenu la réhabilitation, ont encouru une nouvelle condamnation, ceux qui, condamnés contradictoirement ou par contumace à une peine criminelle, ont prescrit contre l’exécution de la peine” ne peuvent solliciter une réhabilitation judiciaire qu’après l’expiration d’un délai de dix ans à compter du jour de leur libération ou à compter de la prescription. 

Pour obtenir une réhabilitation judiciaire, il est nécessaire que la personne condamnée justifie de “gages d’amendement”. Il ne s’agit pas seulement de ne pas commettre de nouvelles infractions, mais aussi d’adopter un comportement positif : activité professionnelle régulière, insertion sociale, indemnisation des éventuelles victimes.

Dans un arrêt prononcé le 10 décembre 1975, la Chambre criminelle de la Cour de cassation a ainsi rappelé que la réhabilitation est une mesure de bienveillance en faveur des individus qui, après avoir été condamnés et avoir subi leur peine se sont rendus dignes, par les gages d’amendement qu’ils ont donnés pendant le délai d’épreuve, d’être replacés dans l’intégrité de leur état ancien.

Cette juridiction précisant que pour apprécier ces gages d’amendement, la Chambre de l’Instruction peut tenir compte des faits qui ont motivé les condamnations et de leur gravité mais que, pour rejeter la demande en réhabilitation, la Chambre de l’Instruction ne peut pas se fonder uniquement sur lesdits faits et s’abstenir d’examiner la conduite du condamné pendant le délai prévu à l’article 786 du Code de procédure pénale.

2.2. La procédure de la réhabilitation judiciaire

La procédure se déroule en plusieurs étapes :

  • saisine du procureur de la République : le condamné doit déposer une requête auprès du procureur de la République de son domicile. La demande doit mentionner toutes les condamnations pénales qui concernent la personne ;
  • transmission et enquête : le dossier est transmis au procureur général près la Cour d’appel. Une enquête est alors diligentée afin de vérifier la conduite du demandeur, son insertion sociale et professionnelle, ainsi que l’exécution de ses obligations (règlement de l’amende, indemnisation des victimes, etc.) ;
  • saisine de la Chambre de l’instruction : la Chambre de l’instruction de la Cour d’appel examine la demande. Elle entend le ministère public et, le cas échéant, le condamné et son avocat ;
  • décision de la Chambre de l’Instruction : l’arrêt peut accorder la réhabilitation judiciaire, éventuellement en ordonnant le retrait de la condamnation du bulletin n°2 du casier judiciaire. Cet arrêt peut aussi rejeter la demande, auquel cas une nouvelle requête pourra être déposée après un délai supplémentaire fixé par la juridiction.

III – CONSÉQUENCES DE LA RÉHABILITATION JUDICIAIRE

La réhabilitation produit les mêmes effets que l’amnistie :

  • elle efface les interdictions, déchéances et incapacités attachées à la condamnation ;
  • elle permet au condamné de retrouver ses droits civiques, civils et de famille : droit de vote, éligibilité, possibilité de devenir juré, possibilité d’exercer certaines professions réglementées.

Cependant, il est important de noter que la réhabilitation judiciaire n’a aucune incidence sur les dommages-intérêts accordés aux victimes.

*

*               *

Si vous souhaitez solliciter une réhabilitation judiciaire, il est fortement recommandé d’être assisté d’un avocat spécialiste en droit pénal.

Doranges Avocat
Résumé de la politique de confidentialité

Ce site utilise des cookies afin que nous puissions vous fournir la meilleure expérience utilisateur possible. Les informations sur les cookies sont stockées dans votre navigateur et remplissent des fonctions telles que vous reconnaître lorsque vous revenez sur notre site Web et aider notre équipe à comprendre les sections du site que vous trouvez les plus intéressantes et utiles.