Le risque pénal pour le conseiller en gestion de patrimoine

9 septembre 2025

I – QU’EST-CE QUE LE RISQUE PÉNAL POUR LE CONSEILLER EN GESTION DE PATRIMOINE ?

Pour rappel, le risque pénal est la probabilité qu’un professionnel puisse, dans le cadre de son activité professionnel, engager sa responsabilité pénale et éventuellement celle de son entreprise.

Dans le cadre de son activité, le conseiller en gestion de patrimoine (CGP) analyse la situation patrimoniale et fiscale de ses clients. Il conseille ainsi les particuliers sur des solutions de placements financiers, sur des stratégies de financement et sur les possibilités d’optimisation fiscale

Le conseiller en gestion de patrimoine ne doit pas se désintéresser du risque pénal inhérent à son activité. En effet, la construction patrimoniale implique des conseils sensibles, des flux financiers, des données personnelles en volume, des relations d’affaires récurrentes et des arbitrages qui exposent à plusieurs qualifications pénales. 

En outre, il est fréquent que le CGP intervienne également comme conseiller en investissements financiers (CIF). Or, les CIF sont assujettis aux obligations de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme.

Ainsi, en sa qualité de professionnel, le CGP ne peut pas fermer les yeux sur l’origine douteuse de fonds.

II – LES PRINCIPALES INFRACTIONS PÉNALES SUSCEPTIBLES D’ENGAGER LA RESPONSABILITÉ PÉNALE D’UN CONSEILLER EN GESTION DU PATRIMOINE

2.1. LES INFRACTIONS LIÉES À LA RELATION CONTRACTUELLE 

2.1.1. Le non-respect des règles de protection des données personnelles

Un conseiller en gestion de patrimoine traite par nature des données à caractère personnel : identité, situation familiale et professionnelle, revenus, patrimoine, appétence au risque, objectifs, parfois données sensibles lorsqu’elles émergent au titre de la conformité.

Le non-respect des règles de protection des données peut engager la responsabilité pénale, en plus des sanctions administratives de la CNIL et des responsabilités civile et contractuelle.

C’est ainsi que l’article 226-16 du Code pénal érige en délit le fait “y compris par négligence, de procéder ou de faire procéder à des traitements de données à caractère personnel sans qu’aient été respectées les formalités préalables à leur mise en oeuvre prévues par la loi“.

Ce délit est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 300.000 euros d’amende.

Conformément aux dispositions de l’article 226-17 du Code pénal, est puni des mêmes peines le fait de procéder ou de faire procéder à un traitement de données à caractère personnel sans mettre en oeuvre les mesures prescrites dans le RGPD.

2.1.2. L’abus de confiance

L’article 314-1 du Code pénal définit l’abus de confiance comme le fait, par une personne, de détourner au préjudice d’autrui des fonds, valeurs ou un bien quelconque qui lui ont été remis et qu’elle a acceptés à charge de les rendre, de les représenter ou d’en faire un usage déterminé.

L’abus de confiance est puni de cinq ans d’emprisonnement et 375.000 euros d’amende. 

Concrètement, s’agissant d’un conseiller en gestion de patrimoine, l’abus de confiance peut se présenter de plusieurs façons.

Cela peut se produit lorsque le CGP reçoit des fonds sous couvert de placement ou de transmission à un tiers et qu’il les détourne, alors même que le statut de CIF interdit de recevoir des fonds autres que ceux destinés à la rémunération du conseil.

Cela se produit également lorsqu’en tant que dépositaire d’instructions de virements sur des comptes qu’il administre par procuration, le CGP réaffecte temporairement des sommes à d’autres usages que ceux convenus. 

2.2. LES INFRACTIONS LIÉES AU MANIEMENT DE FONDS

2.2.1. Le blanchiment de capitaux

Le blanchiment de capitaux, ou blanchiment d’argent, est défini à l’article 324-1 du Code pénal. Pour mieux appréhender ce délit, vous pouvez lire notre article consacré au blanchiment d’argent.

Il est important de rappeler que les CIF doivent :

  • appliquer une vigilance fondée sur les risques ;
  • identifier et vérifier l’identité de leurs clients et des bénéficiaires effectifs ;
  • comprendre l’objet et la nature des opérations ;
  • exercer une vigilance constante et renforcer la vigilance en cas de risque élevé ;
  • s’abstenir d’entrer ou de poursuivre la relation si les diligences ne peuvent être menées ;
  • déclarer à TRACFIN les opérations soupçonnées d’être liées à une infraction, y compris d’origine fiscale.

Depuis l’arrêté du 23 janvier 2025, la procédure de déclaration de soupçon s’est modernisée. En effet, cette déclaration de soupçon peut désormais être transmise, hors situations d’urgence, via la plateforme dématérialisée et sécurisée ERMES

2.2.2. L’escroquerie

L’article 313-1 du Code pénal définit l’escroquerie comme le fait, par usage d’un faux nom ou d’une fausse qualité, par abus d’une qualité vraie, ou par manœuvres frauduleuses, de tromper une personne et de la déterminer à remettre des fonds, valeurs ou un bien, à fournir un service ou à consentir un acte créateur d’obligations.

Hors circonstances aggravantes, ce délit est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 375.000 euros d’amende. 

Concrètement, s’agissant d’un conseiller en gestion de patrimoine, l’escroquerie surgit lorsqu’il promet des rendements garantis sur un produit non garanti ou qu’il occulte des risques essentiels. Mais également lorsque le CGP se prévaut de conventions inexistantes ou qu’il affiche des enregistrements ou agréments usurpés.

III – PRÉVENIR LE RISQUE PÉNAL: LES BONNES PRATIQUES POUR LE CONSEILLER EN GESTION DU PATRIMOINE

La prévention du risque pénal n’est pas un supplément de conformité : c’est une architecture qui aligne gouvernance, documentation, technologie et réflexes humains sur des points de droit pénal précis. Les axes suivants constituent une base robuste, à adapter à la taille et au modèle du cabinet du CGP.

Il est donc fortement recommandé à tout conseiller en gestion de patrimoine d’être assisté par un avocat spécialiste en droit pénal afin de pouvoir identifier et gérer les risques pénaux.

Notre cabinet est régulièrement sollicité par des professionnels pour la mise en place d’un audit pénal permettant d’identifier les comportements risqués.

À l’issue de cet audit pénal, des recommandations seront ainsi transmises au CGP e notamment le fait de :

  • sanctuariser l’interdiction absolue de maniement de fonds, hors rémunération du conseil. Ce principe, déjà inscrit dans le Code monétaire et financier, doit devenir un réflexe de premier niveau. Aucun virement de souscription ne doit transiter par les comptes du cabinet ; aucune avance ne doit être encaissée pour des tiers ; aucune « facilitation » de flux ne doit être opérée, même temporairement ;
  • documenter une cartographie des risques, de calibrer les diligences selon les profils, de définir des seuils d’alerte, et de prévoir des mécanismes de blocage. L’identification et la vérification de l’identité du client et du bénéficiaire effectif doivent intervenir avant l’entrée en relation, avec des moyens adaptés, y compris l’usage de moyens d’identification électronique fiables ;
  • assurer un suivi de la relation d’affaires par le biais d’un monitoring proportionné, d’une mise à jour des informations, de la détection d’anomalies (changements de structure, flux atypiques, bénéficiaires effectifs opaques), et un réexamen périodique ;
  • développer la culture de l’alerte et du doute. Instauration d’une traçabilité qui protège le cabinet du CGP si une opération se révèle ultérieurement illicite.

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