I – RAPPEL DU PRINCIPE DE LA PRÉSOMPTION D’INNOCENCE
La présomption d’innocence n’est pas une clause de style : c’est une garantie fondamentale du procès équitable.
L’article 6§2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales.précise que “toute personne accusée d’une infraction est présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité ait été légalement établie“.
L’article préliminaire du Code de procédure pénale dispose que “toute personne suspectée ou poursuivie est présumée innocente tant que sa culpabilité n’a pas été établie. Les atteintes à sa présomption d’innocence sont prévenues, réparées et réprimées dans les conditions prévues par la loi“.
La présomption d’innocence est également protégé par les dispositions de l’article 9-1 du Code civil qui prévoient que “chacun a droit au respect de la présomption d’innocence.
Il faut donc retenir que tant qu’il n’y a pas de condamnation définitive, personne ne doit être présenté comme étant coupable des faits qui lui sont reprochés.
Le non-lieu s’inscrit dans ce cadre : c’est une décision qui constate qu’il n’existe pas, à ce stade et au vu du droit applicable, de raison de renvoyer une personne devant un tribunal pour qu’elle y soit jugée. Cela n’autorise ni à l’injurier comme coupable, ni à travestir la signification juridique de la décision.
II – C’EST QUOI UN NON-LIEU ?
De nombreuses personnes ont découvert ou redécouvert la notion de « non-lieu » à l’occasion d’affaires médiatisées et notamment à l’occasion de l’affaire concernant Ary Abittan. Différents commentaires ont été faits à ce sujet. Certains voient le non-lieu comme une confirmation de l’innocence, d’autres une échappatoire procédurale, d’autres encore « un demi-verdict » entre innocence et culpabilité.
1.1. Définition du non-lieu
Le non-lieu est une décision rendue par le juge d’instruction ou par la Chambre de l’instruction à l’issue de l’information judiciaire.
L’article 177 du Code de procédure pénale prévoit que “si le juge d’instruction estime que les faits ne constituent ni crime, ni délit, ni contravention, ou si l’auteur est resté inconnu, ou s’il n’existe pas de charges suffisantes contre la personne mise en examen, il déclare, par une ordonnance, qu’il n’y a lieu à suivre“.
Le non-lieu peut être total, c’est-à-dire porter sur l’intégralité des infractions pour lesquelles le juge d’instruction était saisi, ou être partiel, c’est-à-dire ne concerné que certaines infractions.
1.2. Obtenir un non-lieu
Dans la pratique, trois hypothèses conduisent le juge d’instruction ou la Chambre de l’instruction à prononcer un non-lieu :
- l’insuffisance de charges : si les indices ne sont pas assez graves ou concordants pour emporter un renvoi, le procureur de la République peut requérir un non-lieu et le juge d’instruction le prononcer ;
- une cause légale d’extinction de l’action publique : prescription de l’action publique, amnistie, décès de l’auteur ;
- une cause d’irresponsabilité pénale : abolition du discernement, légitime défense, etc., la juridiction d’instruction devra néanmoins préciser si les faits sont ou non matériellement établis.
1.3. Le non-lieu, une déclaration de non-culpabilité ?
C’est la question qui cristallise les malentendus.
Le non-lieu n’est ni une « relaxe » prononcée par un tribunal correctionnel après un procès public, ni un « acquittement » rendu par une Cour d’assises ou par une Cour criminelle départementale. Le non-lieu signifie qu’au stade de l’instruction, il n’existe pas de charges suffisantes pour renvoyer la personne mise en examen en jugement.
Le non-lieu est une décision de non-renvoi, pas une déclaration d’innocence au sens d’un jugement de fond. Mais elle conforte, pleinement, la présomption d’innocence, qui demeure entière.
III – NON-LIEU ET NOTIONS VOISINES
3.1. Différence entre un non-lieu et un classement sans suite
Le classement sans suite est une décision prise par le procureur de la République durant la phase d’enquête lorsqu’il juge inopportun ou impossible de poursuivre. Le classement sans suite intervient avant toute saisine d’un juge d’instruction et ne préjuge pas d’une reprise des investigations si des éléments sérieux surviennent par la suite.
3.2. Différence entre un non-lieu et une relaxe
La relaxe est rendue par un tribunal correctionnel ou par la chambre des appels correctionnels de la Cour d’appel après un procès pénal.
L’article 470 du Code de procédure pénale prévoit ainsi que si « le fait poursuivi ne constitue aucune infraction », s’il « n’est pas établi » ou « n’est pas imputable » au prévenu, le tribunal renvoie celui-ci des fins de la poursuite : c’est la relaxe.
La relaxe intervient donc après la preuve discutée contradictoirement à l’audience. La relaxe est ainsi une déclaration juridictionnelle de non-culpabilité au fond. Le non-lieu, lui, stoppe la procédure avant tout procès, au stade de l’instruction.
3.3. Différence entre un non-lieu et un acquittement
L’acquittement est la décision émanant de la Cour d’assises ou de la Cour criminelle départementale à l’issue d’un procès criminel, lorsque la culpabilité n’est pas légalement établie.
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Sur le plan très concret, une ordonnance de non-lieu définitive permet à la personne concernée de tourner la page pénale et d’engager, si elle le souhaite, des démarches utiles. Conformément aux dispositions de l’article 800-2 du Code de procédure pénale, le bénéficiaire d’un non-lieu peut demander l’indemnisation de ses frais exposés pour se défendre.